Lorsque l'on se tient à proximité de la peinture de trois mètres de long, on distinguent seuls les tons clairs et gris foncés, les zones se confondent en une bavure horizontale. De plus loin, on commence à distinguer une foule formant comme une ligne.
Le tableau grand-format Enterrement de Gerhard Richter représente l'inhumation des corps d'Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe, les terroristes allemands de La Faction Armée Rouge (mieux connue sous le nom de Bande à Baader). Des centaines de sympathisants, de journalistes et de badauds se sont rassemblés à Stuttgart le 27 Octobre 1977 lors des funérailles des trois terroristes au cimetière de Dornhalden.
Au centre de l'image se trouvent les trois cercueils clairs qui sont portés sur une ligne diagonale à l'arrière du tableau. Quelques individus debout sont éparpillés au premier plan alors que la plupart des participants sont rassemblés à l'arrière plan, à une distance moyenne de la périphérie du cimetière .
Le tableau faisant partie de la série 18 Octobre 1977, réalisé d'après une photo de presse que Richter a sélectionnée, saisit l'évènement à distance. La représentation faite en peinture est manifestement plus sombre que l'image-source, effet intensifié par la ligne dense des arbres à l'arrière plan.
Pour contraster avec l'aspect statique de la prise de vue utilisée par Richter, il a apporté une impression de mouvement, en opérant un flou horizontal uniforme sur la surface de la toile. Ce geste souligne l'aspect caractéristique de progression de l'évenement: la procession funéraire d'un côté, et le processus de séparation de l'autre.
Richter note que les autres tableaux du cycle illustrent eux aussi une forme de séparation: « ces tableaux sont également un adieu, dans plusieurs sens. D'après les faits: des personnes définies sont mortes; au sens général: la mort est purement et simplement un adieu. [...] »1.
Le tableau Enterrement est souvent utilisé en exemple pour faire référence à l'engagement de Gerhard Richter dans le genre de la peinture d'histoire. Étant la plus grande des toiles de la série, elle remplit le critère de taille officiel de la tradition de peinture d'histoire comme aucun des autres tableaux.
Toutefois, Gerhard Richter transpose ce genre classique aux préoccupations du présent: à l'opposé de la peinture classique représentant des héros et des événements de l'histoire, Richter, dans sa peinture, montre les funérailles de terroristes ratés. Traditionnellement aussi, les événements sont repris en détails de façon à propager un certain point de vue. Richter, lui, floute tous les détails.
Le but de la peinture d'histoire de Richter n'est en aucun cas de transmettre une vérité historique ou de retranscrire les détails d'un événement. C'est plutôt le rappel d'un certain événement. Gerhard Richter ne commande pas la manière dont le spectateur devrait se rapeller l'évènement mais invite juste à la mémoire.
1 Notes, 1989 dans Gerhard Richter: Textes, les presses du réel, Dijon, 2012, (traduit de l'allemand par Catherine Métais Bürhendt), p. 193.
Notes préparées par l'équipe éditoriale.
The Museum of Modern Art (MoMA), New York, USA
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